Signaler des violences - Porter plainte

mise à jour 20 octobre 2020

Quelles infractions pourrait-on vous reprocher ?

-              Dissimulation du visage pendant la manifestation, sauf motif légitime (Art. 431-9-1 CP) : délit passible d’un an d’emprisonnement et 15.000€ d’amende = interpellation et garde à vue possibles, même si vous avez un motif légitime, puisque la légitimité de la dissimulation reste à l’appréciation du juge en cas de poursuites. Ensuite, souvent rappel à la loi (= fichage… ; téléphonez à votre avocat avant)

Cette infraction exige qu’il y ait eu des troubles à l’ordre public commis. Sinon, s’il y a juste un risque, c’est une contravention de la 5ème classe (art. R.645-14 CP). Si vous aviez un motif légitime, vous devez contester avoir commis cette infraction.

-              Port d’arme prohibé (ex. couteau…)

-              Participation à une manifestation en étant porteur d’une arme (art. 431-10 CP = 3 ans d’emprisonnement et 45.000€ d’amende encourus). Attention aux armes par destination ! (cf art. 132-75 CP ci-dessus, participation à un groupement violent). Il arrive que les policiers considèrent comme arme à peu près tout, pour pouvoir placer la personne visée en garde à vue et en ce cas, il est rare que le procureur contrôle la réalité de l’appréciation du policier (ex. masque, ou casque…), même si cela ne permettra finalement pas votre condamnation.

-              Participation volontaire à un groupement violent (art.222-14-2 CP), même pour une personne sans arme et n’ayant commis aucune violence, selon l’attitude adoptée, ex. soutien à des « casseurs ». Objet dangereux matérialisant aussi cette participation : arme par destination (ex. : boule de pétanque…), voir ci-dessus.

-              Participation à un attroupement après sommation de se disperser (avec ou sans circonstance aggravante de dissimulation du visage) (art. 431-4 CP et suivants). 

En cas de nasse, cette infraction n’est pas constituée (défaut d’élément intentionnel de ne pas respecter l’ordre de dispersion). 

Dans certains cas, il est possible de contester la qualification d’attroupement, qui seule, permet de procéder aux sommations de dispersion. Un attroupement est un rassemblement sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l'ordre public. Dès lors qu'une manifestation sur la voie publique se tient alors qu'elle n'a pas été déclarée ou qu'elle a été interdite, elle est généralement considérée comme un « attroupement », alors même que ce n’est pas conforme à la jurisprudence de la CEDH. La CJUE a également rappelé l’importance de la liberté de réunion pacifique : lire le rapport de l’Observatoire parisien des libertés publiques : http://site.ldh-france.org/paris/7263-2/ 

Si des manifestants commettent des violences ou des dégradations de biens, il est certain que l’autorité civile compétente pour décider de la dispersion va procéder aux sommations (regardez si l’Officier qui procède aux sommations a une écharpe tricolore ou, pour un gendarme, un brassard tricolore. Si ce n’est pas le cas, signalez-le à votre avocat, pour qu’il soulève une nullité). Soyez à l’écoute des sommations par porte-voix. (La Cour de cassation a refusé de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité, QPC, en considérant que « le juge saisi de poursuites pénales doit vérifier l'effectivité du risque de trouble à l'ordre public créé par le rassemblement » et qu’en conséquence, il n’y avait pas de risque d’arbitraire…(sic) Crim. 25 février 2014  n° 13-90.039 QPC).

Attention, depuis la loi du 10 avril 2019, cette infraction peut faire l’objet d’une comparution par procès-verbal ou d’une comparution immédiate (art. 431-8-1 CP).

Lire sur toutes ces questions le rapport envoyé au Défenseur des droits par l’Observatoire parisien des libertés publiques sur le site de la Fédération de Paris de la Ligue des droits de l’Homme. 

-              Dégradation de bien (avec ou sans la circonstance d’utilisation d’un objet incendiaire art. 322-6 / en réunion ou sur mobilier urbain art. 322-5 CP)

-              Détention de produit ou substance incendiaire ou explosif (art.322-11-1 CP)

-             Le fait de filmer une personne en train de commettre des violences ou des dégradations de biens vous rend complice ipso facto, (art. 222-33-3 CP) de l’infraction commise, sauf si vous remettez tout de suite ces images à la police ou à la justice. Si vous diffusez ces images, vous commettez en plus l’infraction prévue par le même texte (5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende).

-              Outrage (injure contre un agent) (art. 433-5 CP) ; ne pas tutoyer un policier…(si vous poursuivez un policier, par ex. pour violence, vous risquez fortement d’être poursuivi pour outrage : préparez des témoignage et surtout des vidéos)

-              Rébellion : vous avez refusé en vous débattant, par exemple, de vous prêter à un contrôle d’identité etc…(art.433-6 CP). Idem que pour l’outrage : des témoins ! (et surtout des vidéos).

-              Provocation à la rébellion (art. 433-10).

-              Violences contre un policier ou un gendarme (ex. 222-13 CP si ITT < 8 jours ou sans ITT = 3 ans d’emprisonnement et 45.000€ d’amende encourus)

-              Si la manifestation a été interdite par un arrêté du maire ou du préfet, participation à une telle manifestation (R.644-4 CP – contravention 4ème classe. 750€ mais si procédure de l’amende forfaitaire, 135€ R. 48-1 CPP). Pas de garde à vue. Même sanction si vous manifestez dans un périmètre interdit de manifestation par arrêté.



Et avec tout cela, il ne faut pas oublier, comme le rappelle régulièrement le Préfet de police, que la liberté de manifestation est une liberté publique essentielle dans une démocratie !

Et elle est effectivement protégée tant sur le plan constitutionnel (liberté d’exprimer collectivement ses idées ou opinions) que conventionnel (CSDH dans le cadre du Conseil de l’Europe et Charte de l’Union européenne, sur le fondement de la liberté de réunion pacifique).

Le fait d’entraver cette liberté par des menaces est même une infraction (art. 431-1 CP) !


En cas de violences subies de la part des forces de l’ordre :


Médecin et recueil des traces. Si vous avez subi des violences : ramassez ou faites ramasser les restes de cartouche, prenez tout de suite une photographie (photomaton ou autre) de vos lésions / blessures ; faites-les constater au plus vite par votre médecin (qui doit indiquer le nombre de jours d’incapacité totale de travail) ou le service des urgences.

S’il faut vous faire opérer, attention, car les blessures par GLI F4 ou LBD sont identiques à des blessures de guerre et tous les chirurgiens ne sont pas formés à cela. Précisez-le. Demandez à ce que les éclats enlevés soient remis à un proche (preuve en cas de plainte). Gardez les vêtements que vous portiez dans un sac confié à un proche (preuve). Conservez toutes les pièces de votre dossier médical. Vous avez le droit de refuser de parler à des policiers tant que vous ne vous sentez pas en état (appelez votre avocat et taisez-vous en attendant ses conseils).


Recherche de preuves. Prenez contact avec vos témoins et voyez si vous pouvez obtenir de commerçants de prendre en photographie un éventuel enregistrement des violences commises (certains commerçants ont des caméras qui empiètent sur le trottoir). Ces enregistrements sont effacés automatiquement très rapidement. Il importe d’être réactif !

Remémorez-vous le déroulement des faits pour le raconter avec précision à votre avocat : lieu, date, heure, combien de policiers ? quel type de policier / gendarme si vous avez pu l’identifier ? usage ou non de gaz lacrymogène ? Nombre de manifestants ?

Cherchez sur internet le type d’arme qui vous a blessé, si vous arrivez à la reconnaître, dites-le à votre avocat.

Voyez votre avocat éventuellement, envisager une expertise médicale privée : soit votre assureur la prend en charge par le biais d’un contrat de protection juridique (souvent relié à un contrat d’assurance habitation, parfois d’accident de la vie), soit vous devrez la payer (environ 700 € sur Paris).

La preuve des dommages et de leur compatibilité avec votre récit des coups reçus ou du déroulement des violences est essentielle (témoignages, enregistrements par des portables ou des caméras de vidéosurveillance…).


Préparer son dépôt de plainte. Il est très important de préparer avec votre avocat votre dépôt de plainte : si vous êtes bousculé pour aller plus vite, vous risquez d’oublier des choses ou de mal raconter les faits. Et revenir en arrière est compliqué.


Procédure pour porter plainte puis se constituer partie civile (réparation). A Paris, les commissariats refusent en général le dépôt de plainte (dans le cas de violences des forces de l’ordre), sauf celui du 4ème arrondissement ; il faut donc :

1/ faire un signalement à l’IGPN (ou IGGN) pour obtenir une réquisition judiciaire pour faire constater votre dommage par un service de médecine judiciaire (ex. unité médico-judiciaire -UMJ- à l’hôtel-Dieu, etc…) et qu’ils puissent éventuellement demander au procureur (ou en cas de flagrance, les prendre eux-mêmes) des réquisitions pour obtenir les enregistrements des caméras de vidéosurveillance (la loi les appelle désormais « vidéoprotection » et si on s’en sert dans ce cas, elles correspondront effectivement à cette nouvelle dénomination !)

Saisine de l’IGPN ou de l’IGGN. Pour signaler ce que vous avez subi à l’IGPN ou l’IGGN sur leurs plateformes :

IGPN (police)

·         https://www.police-nationale.interieur.gouv.fr/Organisation/Inspection-Generale-de-la-Police-Nationale/Signalement-IGPN  

IGGN (gendarmerie)

·         https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/Contacts/Reclamation-IGGN


2/ et porter plainte au procureur (voir ci-dessous) pour prendre date, car il n’est possible de se constituer partie civile que 3 mois après la date inscrite sur l’accusé de réception (art. 85 CPP), ou après une décision de classement sans suite, sauf en matière criminelle, ce qui est le cas, par exemple, de violences ayant causé une infirmité permanente par personne dépositaire de l’autorité publique (art. 222-10 7° CP).


Pour porter plainte auprès du procureur de la République : il faut le faire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, inscrire toutes vos coordonnées et un résumé des faits. Attention : si vous décidez de ne pas faire de signalement à l’IGPN ou à l’IGGN mais de seulement porter plainte auprès du Procureur, cette solution ne permet pas d’obtenir une réquisition judiciaire pour faire constater par une UMJ vos lésions / coups, ni une réquisition pour obtenir les enregistrements (cf ci-dessus).

Adresse postale (accusé de réception)

M. Rémy HEITZ, Procureur de la République, Tribunal de grande instance de Paris, Parvis du Tribunal de Paris 75859 PARIS CEDEX 17


Dommages et intérêts. En cas de blessure par une arme, il est aussi possible de demander réparation devant le juge administratif (après une demande préalable d’indemnisation) : régime de responsabilité de l’Etat sans avoir besoin de démontrer une faute.


Vous pouvez contacter la Ligue des droits de l’homme pour vous faire aider dans vos démarches. juridique@ldh-france.org


Saisine du Défenseur des droits. Vous pouvez aussi le saisir par courrier (gratuit, sans affranchissement) à l’adresse suivante : Défenseur des droits Libre réponse 71120 75342 Paris CEDEX 07

Ou au sein des Maisons de la justice et du droit (MJD) et des Points d’accès au droit (PAD) auprès d’une ou d’un délégué du Défenseur des droits.

Effacement de vos données personnelles avant la fin de la durée de conservation : faire une demande au procureur par lettre recommandée avec AR / ou pour le TAJ auprès du magistrat spécialisé (R. 40-31 CPP) / ou par déclaration au greffe (FAED : art. 7-2 décret 87-249 ; FNAEG : art. 53-13-1 CPP et via service-public.fr/particuliers/vosdroits/R33424).

Ou encore au Défenseur des droits :

·         https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/saisir-le-defenseur-des-droits


Témoignage auprès de l’Observatoire. Envoyez votre témoignage, si possible sur CERFA, avec copie de votre pièce d’identité, à l’Observatoire : contact@obs-paris.org



signaler des violences à l’Observatoire parisien des libertés publiques 


contact@obs-paris.org







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Surtout, ne restez pas isolé, de nombreux collectifs, associations ou organisations traitent de ces questions. Rapprochez-vous d’eux.

MISE À JOUR  20 octobre  2020



PLAN :

-       Contrôles et fouilles aux abords de la manifestation oudans le métro - stations ou dans les trains - gares

-       Infractions éventuelles
-       Comparution immédiate

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